Edito #8 : Anticipez !

Il est loin le temps des allumettes trempées consciencieusement une à une dans la cire bouillonnante, rassemblées ensuite avec le grattoir dans un morceau de papier journal lui-même totalement imbibé de cette même cire… Qui aujourd’hui n’a pas son Firesteel, voire son briquet Bic, sa Paracord et son multitool ? Est-ce vraiment plus amusant aujourd’hui ? Plus tendance ? Plus « préparateur » au pire ?

La chute d’astéroïde, la bombe sale, la centrale nucléaire d’à côté qui se relâche, le tsunami « filmable au ralenti » sont statistiquement peu probables, bien que possibles. L’attentat terroriste lui-même n’est pas crédible pour justifier une attitude survivaliste. L’accident d’avion ? La grippe tue plus !

Mourir au cours d’une grande pandémie est ce qui nous pend le plus au nez, ce qui est le plus envisageable en dehors de l’accident domestique qui détient le record des morts auprès des compagnies d’assurances. Le virus taquin échappé d’un labo, volontairement ou pas, vous arrachera peut-être un sourire lorsque vous regarderez votre Firesteel thermomachin entre deux quintes de toux sanguinolentes. Vos dernières pompes de randonnée, les fameuses Moilz, ne vous seront plus d’aucune utilité avec quarante de fièvre… Le vrai survivaliste doit-il alors collectionner les souches de virus pour fabriquer ses propres vaccins ? Faut-il pour autant recenser, encore et encore, tous les scénarii possibles ? L’attaque d’extraterrestres ? Les fourmis géantes ?

Ou se concentrer sur l’univers connu, celui qui nous entoure chaque jour, qui façonne insidieusement notre pensée vers ce qui nous semble le plus certain, l’inévitable, ce qu’on évite de nommer de trop près. La paranoïa du survivaliste devient alors un épiphénomène…

Six millions de chômeurs en France, plus quatre millions d’invisibles ne font pas dix millions de chômeurs… Cela fait dix millions de familles impactées par ce fléau soudain, brutal et honteux. Nul n’est à l’abri de la banqueroute, de la rue, de l’inexistence, de l’abandon. De l’errance. Chacun sait aujourd’hui que chômer c’est survivre, s’adapter à un nouveau monde, développer des talents méconnus, que cette « activité » est plus énergivore que le salariat et que la main tendue fait la différence. Les films de 1929 montrant les queues d’affamés ne sont pas plus terribles que ceux des restos du cœur ou des camps de migrants d’aujourd’hui : la couleur n’enjolive pas la misère, mais le noir et blanc la sublime ! Si on vous faisait un numéro de Survival en noir et blanc, vous penseriez qu’on a des tuyaux sur une apocalypse imminente…

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C’est juste rassurant de savoir qu’on pourra bouffer des insectes quand on en sera là, de savoir que la nature n’est pas hostile, que le rat est mangeable avec des pissenlits et que l’humain d’à côté peut être un sauveur.

C’est juste rassurant de savoir qu’on peut compter sur la nature. Et peut-être sur l’autre d’à côté… Et que nous sommes tous égaux face au pire.
Bear Grylls n’est pas plus malin ou mieux entraîné face aux virus, et il contourne les champs de mines comme tout le monde. Quant au chômage, ce n’est pas demain la veille qu’il devra s’y frotter vu l’engouement des masses pour la survie à l’improbable. Il a anticipé, c’est tout.

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