J’ai réveillé le tigre est le récit de la dernière expédition de Sarah Marquis. Une expédition dans la partie la plus sauvage de Tasmanie qu’elle qualifie d’épreuve initiatique. Et au travers de ce texte, on sent qu’il ne s’agit pas d’une expédition comme les autres. La Tasmanie, cette île du bout du monde, est le témoin d’un monde préhistorique, le refuge du tigre de Tasmanie dont le dernier représentant de l’espèce s’est éteint dans le zoo de Hobart en 1936, mais que certains croient encore présent dans ces forêts inhospitalières. Sarah Marquis décide de suivre sa trace en entrant dans son territoire. Cette île émerveille par sa beauté sauvage, intense, absolue. Sa partie ouest est totalement inexplorée, car impénétrable. La vie y est discrète et chaque rencontre avec le monde animal est une joie pour l’exploratrice.

Si les premiers jours sont faits d’émerveillements, les difficultés surviennent très rapidement. La détermination de Sarah Marquis, sa connaissance d’elle-même, sa capacité à sentir son environnement, à redevenir animale, à faire partie intégrante du vivant, à prévoir, à observer, à vivre pleinement sont remarquables. Sa progression est lente et laborieuse. La pluie, la végétation, le relief, le poids de son sac. Mais, elle avance, elle trouve son énergie dans les moments de répit et la beauté que lui offre cette nature vierge et indomptée. Jusqu’au jour où le terrain cède sous ses pieds, elle se retrouve sans connaissance au fond d’un ravin. Quand l’eau glacée de la rivière transperce ses vêtements et lui fait reprendre conscience, elle se rend compte que quelque chose ne va pas. Son côté gauche semble paralysé. Elle parvient ensuite à bouger ses jambes, mais pas son bras. La douleur est intense, mais elle n’a pas le choix. Pour s’en sortir, elle doit sortir de là et trouver un endroit où les secours pourront venir la chercher. Elle se remet en mouvement, l’épaule démise et son sac de 35 kg sur le dos sur un terrain glissant et extrêmement difficile. Elle y arrivera grâce à son état d’esprit, sa force mentale, sa capacité à faire de chaque seconde une victoire.
Chaque expédition de Sarah Marquis s’apparente à de la survie. Survivre dans des environnements où seul le Sauvage vit. Survivre dans des environnements où l’homme n’a pas sa place. Mais dans cette expédition, en plus de survivre dans un monde mystérieux, hostile, parfois terrifiant, elle doit arriver à faire abstraction de sa douleur, de son épaule brisée, de son corps meurtri, pour survivre. La survie dans ces régions hostiles, c’est la capacité à savoir se déparasiter de ce qui nous éloigne de l’élément, c’est retrouver son animal, son animalité, entrer en osmose avec le ciel, la terre, l’eau, le vivant, redevenir Un, c’est pouvoir se battre, lutter, pour rester en vie, c’est accepter les peurs et ne pas les entretenir. J’ai réveillé le tigre est une nouvelle leçon d’humilité et d’essentialité, une piste de réflexion pour toujours garder en nous vivant notre liberté.
J’ai réveillé le tigre, 258 pages,
Michel Lafon, 2019.
*La critique du livre a été rédigée par Laurence Vanderhaeghen
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