Retex : Au cœur de la tempête Alex – 2 octobre 2020

Les heures où tout bascule – La priorité : l’eau
Tende est un petit village de montagne au pied du massif du Mercantour comme il en existe d’autres en France. Annexé à la France en 1947, c’est la dernière commune avant l’Italie. Nichés à flanc de montagne, à 815m d’altitude. Les 2 200 habitants sont desservis par une unique route remontant de la vallée vers le Col de Tende et une ligne de train ralliant Nice et l’Italie.
Jusqu’au 2 octobre, la ville n’avait pas de risque majeur référencé en dehors d’un risque sismique moyen. Cependant les Tendasques sont rodés aux situations d’isolement. Les accès routiers et ferroviaires sont régulièrement coupés à cause de chutes de pierre, éboulements ou avalanches l’hiver. Une vie simple et résiliente comme dans la majorité des villages de montagne, sans vigilance particulière.

Les heures où tout bascule
Le vendredi 2 octobre, Météo France émet une alerte comme à chaque dépression. A Tende, l’alerte déclenchée est rouge, soit le niveau maximal, comme sur les autres communes du département. Les Tendasques sont informés du risque par les médias traditionnels : télévision, radio, SMS des assurances privées dans certains cas, et par le bouche à oreille.
A partir de midi, les précipitations deviennent historiques. 500 millimètres en 2h viennent gonfler les eaux de la Roya, la rivière qui traverse la commune ; le niveau monte par endroit de 7 mètres en 2h. La tempête nommée Alex se déchaîne.
Alors que la pluie tombe sans discontinuer, retentissent les sirènes des pompiers. Leur sonorité est bien connue des Tendasques puisqu’elles sonnaient tous les premiers mercredis du mois il y a encore quelques années. Cette fois-ci, il est 19h30 le vendredi 2 octobre.
Les habitants situés aux abords du cours d’eau sont cloitrés chez eux, ne sachant quelle est la conduite à tenir. Rester ou quitter son domicile, et dans ce cas, où aller. Les murs tremblent, la Roya a quitté son lit et charrie désormais des tonnes de boue, troncs, véhicules, débris en tout genre qui viennent frapper sur les bâtiments. Quelques minutes après, la nuit tombe : plus aucune lumière, l’électricité est coupée. Le réseau téléphonique est également hors service. Certains habitants ont pensé à remplir des baignoires ou des bassines d’eau ; 19h30, il n’y a plus d’eau courante.
Ceux situés sur le haut du village sont épargnés par la montée de la Roya, mais un petit ru, le Riou, s’emballe aussi et emporte une vague de boue, de pierres et de troncs sur la place Ponte dans le vieux Tende.
Un établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes est situé à l’entrée de la commune, à moins de 10m des berges de la rivière et héberge quelques 71 résidents. La violence du débit d’eau ronge les abords et le bâtiment est rapidement littéralement en équilibre au-dessus de l’eau. Il semble prêt à s’effondrer.
Gendarmes et pompiers s’affairent
Gendarmes et pompiers s’affairent à évacuer les habitations les plus touchées. Une évacuation de l’EHPAD est mise en œuvre dans la nuit. Les résidents sont rapatriés en urgence vers une antenne de l’hôpital de Nice situé sur les hauteurs de Tende grâce à l’aide de tous, gendarmes, pompiers, habitants et personnel soignant. D’une capacité d’accueil de 300 places, l’hôpital rouvre une aile pour accueillir résidents et salariés. Plus d’eau courante, aucun moyen de communication et un groupe électrogène donné pour 5 jours maximum d’autonomie promettent un après Alex bien compliqué.
Un jeune gendarme, Romain Hossepied, repère des lampes torches faibles dans une maison menacée par la montée des eaux. Il en évacuera une mère et son fils. Gendarmes et pompiers mettent les familles les plus exposées ou prises au piège par les eaux en sécurité, parfois in extremis, quelques secondes avant que la route ne soit emportée derrière eux.
Le réveil du samedi 3 octobre est bien amer pour tous et l’occasion de premières constatations. La ville est éventrée, les routes sont arrachées, tout comme les canalisations d’eau. La voie de chemin de fer est sévèrement endommagée, la commune est séparée en 2 ilots injoignables par la route. Le haut du village, sur lequel se situe la mairie, la gare, la salle des fêtes et quelques commerces, et la partie basse. Les nombreux ponts de Tende n’existent plus, ils ont été emportés, tout comme certaines habitations entières. Le lourd bilan humain compte une vingtaine de disparus sur la vallée, dont 8 corps seront retrouvés dans les semaines suivantes.
La priorité : l’eau
Rapidement, la solidarité se met en place. L’urgence première concerne l’approvisionnement en eau potable. Quelques habitants font le bilan de leur stock, les autres devront compter sur l’entraide de leurs voisins. Le maire, Jean-Pierre Vassalo, témoigne de la difficulté de rationnement des premiers jours. Seuls 500mL d’eau potable seront distribués par personne.
Une citerne est mise à disposition sur la place de la mairie afin que chacun puisse venir y remplir des jerricans. Les personnes âgées ou en difficulté se font assister par leur entourage, personne n’est laissé de côté.
Des solutions inédites doivent être trouvées et le mot résilience prend alors tout son sens. Le réseau d’eau de certains quartiers est remis en état en quelques jours et raccordé à une ancienne source tombée en désuétude, permettant ainsi une alimentation en eau courante claire. Cependant, pour éviter une surcon- sommation et un tarissement de cette source, des horaires d’ouverture du réseau sont instaurés, limitant les heures d’accès à l’eau courante.
La suite de cet article est dans Survival #30
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